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Samedi 16 décembre
18h00.
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.a Cour va m'accepter. Ce n'est qu'une question de temps, je peux le sentir. Ils ne sont plus qu'une minorité à oser parler à voix basse de régence et à envisager de renier mon droit d'héritier. Les murmures que Siànan me rapporte des couloirs sont curieux plus que contestataires. Certains sont encore persuadés que je serai la déchéance de l'Armée. Wïane ne dit plus rien mais je sais qu'elle n'en pense pas moins. Les doutes et les murmures sont silencieux, à présent, mais ils n'ont pas disparu. Avec le temps, je pourrai les éliminer. Ceux qui ne voudront pas entendre raison avec les semaines et les mois ne me laisseront pas le choix. Je les tuerai, discrètement, par accident. Je ne peux pas prendre le risque de voir l'ère de l'Hydre renaître d'une tête mal tranchée. Pour le moment, je préfère faire profil bas, réfléchir à ce que j'attends d'un roi et me contenter d'éloigner les réfractaires le temps que le royaume éclose.
J'ai toujours été extrêmement patient. Une enfance de violence et de chagrin peut avoir cet effet-là, semble-t-il. Je serai capable d'attendre des années s'il le faut. Je serai capable de jouer la comédie jusqu'au bout pour avoir une chance d'achever le tyran une fois pour toutes. Il faut que cette armée s'effondre. Il nous faut ses cendres pour bâtir un véritable avenir. Pour la première fois de ma vie, je suis prêt à me servir de mes flammes pour purifier le monde. Je suis prêt à me servir du feu contre celui qui me l'a légué.
Mais l'ombre de l'Hydre plane au-dessus de ma tête. Fuxan n'est pas mort. Il finira par revenir.
Ce jour-là, il faudra que je sois prêt. Que ce jour vienne demain comme dans dix ans, je devrai être armé. Il faudra que je sois capable de lui mentir à nouveau, capable de revenir à l'être que j'étais lorsqu'il m'a quitté, le guerrier qu'il a élevé. Il faudra que je sois capable de me souvenir du passé, de le laisser m'arracher cette couronne tant redoutée. Il me faudra être détrôné.
Le jour de son retour, il faudra que la couronne ne soit plus ce qui me fait roi.
J'ignore si cela est seulement possible.
Ce que je sais, en revanche, c'est que je refuse de laisser le trône d'ombre m'engloutir. Je refuse de disparaître sous la couronne, d'être dépassé par mon sceptre et commandé par ses préceptes.
Je veux me souvenir. Inscrire dans ma chair l'être que je suis aujourd'hui, le révolté, l'écorché, le repenti. Je veux un memento mori. Un ludere memento. Je veux ce murmure dans mon oreille, ce serpent bienveillant sur le char du triomphe qui me rappelle le danger de régner sur les pas du tyran. Je veux traîner son fantôme dans mes pas, entretenir ma peur de ses excès pour ne jamais risquer de les imiter.
Je ne serai pas celui qui abandonne, ordonne ou emprisonne.
Que la haine me serve de leçon. Qu'elle s'inscrive dans mes veines pour ne jamais les quitter. Que les cicatrices me le rappellent : je ne serai jamais celui qui pardonne.
Je ne serai jamais celui qui sombre à la colère, cette vipère.
Je ne serai jamais mes pères.