• Bonus

    BONUS DE L'HISTOIRE

    (Montages, vidéos, passages bonus, sims qui font les débiles ... Et encore plus !)

     

     

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    Viendra un jour où l'Histoire pourra s'écrire de nouveau.
     

    Les chroniques d'Avallon


    L E S   C H R O N I Q U E S   D 'A V A L L O N

     
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                 INFORMATIONS
    Les Chroniques d'Avallon sont des annexes de la fiction LA CONNEXION MYSTIQUE - LIES qui est pour le moment en cours. Je publie ici, sous la forme de chroniques, des aperçus de sa suite, qui prend place dans le monde de la réécriture intitulé Liés
     
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                 LES CHRONIQUES 
    • Viendra un jour
    • C'est Elle
    • Papa
    • Le Jeu
    • Reviens
    • Cette nuit où tu as réalisé que tu l'aimais
    • Elle
    • Des trous
    • La Lettre
    Couronnement  (enlevé, inclus dans le chapitre 42 de MC)  
    La machine à Ruines (indisponible car est devenue véritable fin de Liés)
    • Cathédrale
    • 22/09/19
    • Adelphes
     
     

    Les chroniques d'Avallon

     
     C'est Elle.
    Elle.
    Pas lui.
    Elle.
     
     
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    Extrait 22 mars 2015 - La première fois.
     
     
    « C'est sorti tout seul, tout naturellement, simplement. Tu ne t'y attendais pas. Elle te regarde de ses grands yeux bleus, le cordon du ballon-baleine-volant serré dans son poing, sans comprendre pourquoi, d'un coup, tu t'es arrêté. Ton coeur s'emballe, les larmes montent, et tu l'attrapes, la serres contre toi. Si fort que tu as peur de la briser en deux avec ta force. Bon sang que tu l'aimes, cette gamine. C'est un ange, un cadeau céleste auquel tu n'aurais jamais dû avoir droit. Les larmes coulent pour de bon, et elle rit lorsque la baleine de plastique te frappe la tête. Alors tu ris aussi, à travers tes larmes.
    Des pas se rapprochent, des doigts se glissent dans tes cheveux, et l'émotion que tu entends dans la voix grave si familière te fait frissonner. Contre ton coeur, la petite glousse doucement. Deux ans que tu vis un bonheur impossible à leurs côtés. Deux ans que tu crèves de peur que tout s'arrête.
    Elle confie son ballon-baleine à la main de son père, et t'oblige d'un sourire plein de dents à la faire virevolter dans les airs jusqu'à ce qu'elle en perde le souffle.
    Là, c'est juste vous trois. A ce moment là, tu serais prêt à faire n'importe quoi.
    Elle t'a appelé Papa.»
     
     
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    Extrait 22 mars 2015 - Le jeu


    « La première fois, c'était presque un défi. Un éclat joueur dans les yeux bleu roi, presque moqueur. "pas chiche".
    Arthur était pendu à l'envers, la tête en bas, son costume rouge ne parvenant pas à masquer l'éclat de ses pupilles. Son visage entier criait au défi. Trente-six ans et un éternel gamin. Gebriel lui lança un regard amusé, combla la distance entre eux et ravit ses lèvres. La tête en bas, Arthur lui rendit son baiser, le masque du Justicier tombant mollement à leurs pieds.  .»
     
    «  La seconde fois, ce fut si rapide que Geb jura avoir rêvé. Cette fois-ci, c'était lui qui avait la tête en bas et les pieds en l'air. En équilibre sur une main, profondément concentré sur ses exercices de méditation, il s'entraînait sous les regards curieux et intrigués d'Artémis et de Nialé. Sans crier garde, Arthur entra en trombe dans le salon, demeura immobile quelques secondes, fixant la courbe de son dos, puis tombe à son tour sur le sol, déposa un baiser sur ses lèvres et s'enfuit dans la cuisine. Gebriel se laissa tomber sur le dos, un sourire dansant sur ses lèvres. A ce train-là, cela allait très vite devenir un jeu. »
     
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     Extrait 19 août 2015 - Cette nuit où tu as réalisé que tu l'aimais.


    Sa silhouette s'éloigne.
    Elle va disparaître, se faire happer par une voiture, s'évanouir dans la nuit.
    Mais qu'est-ce que tu fous ? Le laisse pas partir, le laisse pas te dire adieu. Ne le laisse pas te faire croire que c'est mieux ainsi, mieux pour vous deux.
    Pourquoi tu fais ça ? C'est la seconde fois qu'il fuit, la seconde fois que tu le regardes partir sans rien dire, la seconde fois que ton cœur s'explose par terre.
    Les larmes surgissent, et t'y peux rien.
    Sa silhouette a disparu dans un taxi.
    Pourquoi t'as fais ça ? Pourquoi tu l'as laissé partir ?
    Deux fois. DEUX FOIS. DEUX FOIS.
    Et t'apprends jamais rien putain. Deux fois qu'il se barre et que tu restes derrière, en morceaux, à ne pas pouvoir lui courir après.
    Pour la première fois de ta vie, tu veux le lui dire en retour. Le serrer contre toi, et mourir comme ça, dans ses bras.
    Cette nuit-là, tu passes des heures seul dans la cuisine à regarder par la fenêtre, étouffé dans tes larmes, à espérer qu'il revienne.
    Cette nuit-là, pour la première fois depuis des années, depuis des millénaires, depuis que tu prétends voir des couleurs dans ton monde noir, tu réalises.
    Ça a toujours été lui.
    Tu l'aimes.
    Tu l'aimes comme un fou et t'as jamais été foutu de l'admettre.
    Cette nuit-là, tu attends, ton cœur au bord des lèvres, la gorge détruite par les larmes.
    Mais cette nuit-là, il ne revient pas.
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    Extrait 2014 - Reviens

     
    Geb est parti. Geb et parti et une fois de plus, Arthur ne s'en remet pas.
    Deux atroces jours passent, il rappelle l'école et prétend avoir attrapé la grippe. Il aurait dû le retenir. Lui dire à quel point il l'aime, combien il l'a toujours aimé. Au lieu de quoi, il l'a regardé partir. Encore, putain. N'apprend-t-il donc jamais rien ?
    «  Papa ? Papa pourquoi tu pleures encore ? »
    Naelle lui tend son doudou en baleine et il essuie rageusement ses larmes. Quel père fait-il, pour inquiéter sa fille et la laisser le voir ainsi ?
    « C'est rien ma puce, je suis encore un peu triste, ça va aller »
    Il se force à sourire mais même à huit ans, la petite n'est pas aveugle. Elle s'approche, pose sa baleine sur la table de la cuisine et monte sur ses genoux pour le serrer dans ses bras. Son pyjama avec des dauphins glisse et Arthur lui remonte par réflexe de peur qu'elle ne prenne froid. Le corps de sa fille est chaud contre le sien. Il la serre contre lui en la berçant lentement, comme lorsqu'elle n'était encore qu'un bébé, de nouveau au bord des larmes.
    Dieu qu'il l'aime, cette enfant. Sans elle, il ignore où il serait. Elle est son attache, son pilier, sa raison de vivre et d'espérer. Une fois de plus, Arthur ravale ses larmes et se décolle de sa fille qui est en train de s'assoupir contre lui.
    « Merci ma puce pour le câlin magique ! »
    Naelle lui décroche un tel sourire qu'il sent ses lèvres s'étirer à leur tour. D'un coup d'oeil, il attrape l'heure sur l'horloge de la cuisine. Aussitôt, il repasse en mode papa-poule. 21h30.
    « Allez hop, maintenant que je vais mieux, au lit !
    - Mais-euh ! »

    Arthur l'attrape en sac à patates et la jette gentiment sur son épaule, attrape la baleine de sa main libre et remonte Naelle qui gigote et rit, pendue à son épaule. Il la lance sur son lit et elle rebondit dans les coussins dans un grand éclat de rire, lui lançant une peluche qu'il attrape au vol.
    « Stop maintenant, il y a école demain je te rappelle ! Fait-il en déposant la peluche avec les autres sur le lit, au milieu de la masse de coussins. »

    Naelle grogne pour le principe mais finit par se calmer et se glisser sous les draps. Une fois de plus, Arthur sourit en lui déposant un bisou de bonne nuit sur le front. La petite soupire et se tourne dans l'autre sens, s'enfonçant dans les couvertures et la chaleur des draps, au moment même où la sonnerie résonne. Immédiatement, Arthur se crispe. Il avait pourtant dit à David de ne plus sonner après vingt heures ! Décidément, son voisin n'en fait qu'à sa tête !
    « Dors ma puce, c'est David qui vient récupérer son colis ... Chuchote Arthur en éteignant la lumière, sortant à pas feutrés, attrapant au passage le carton du grille-pain que son ami devait passer chercher AVANT vingt heures. »
    En dévalant les escaliers, il se jure de faire fabriquer un écriteau pour sa porte avec écrit en caractères rouges et lumineux "DAVID MON CHOU, TU SONNES, J'TE COGNE", pour la douzième fois de l'année.
    Il déboule sur le pallier et déverrouille la porte rapidement.
    « Dav' sérieux t'es pas cool, Naelle dort et à chaque fois tu me la réveille quand ...»
    Sa voix meurt au fond de sa gorge.
    Ce n'est pas David.

    Sur son paillasson se tient Geb, en larmes, trempé par l'orage qui gronde depuis la fin d'après-midi, son sac à terre et son portable dans une main. Nialé lui passe entre les jambes en jappant, heureuse de pouvoir se mettre au sec et de retrouver Artémis qui profitait de quelques instants de paix, confortablement étalée sur le canapé. 
    « Je ... Je veux pas ... Partir..»
    La voix de l'ancien chef de guerre déraille et c'en est trop pour Arthur.
    Il attrape Gebriel et le serre contre lui de toutes ses forces. Son portable tombe et s'éclate contre le carrelage. Leurs corps sont pressés l'un contre l'autre et la tête de Geb est dans son cou. Les larmes jaillissent de nouveau.
    « J'ai b'soin de toi, Geb, besoin de toi, on a besoin de toi, je veux pas que tu partes, pas que tu t'éloignes, je te veux toi, dans ma vie, dans celle de ma fille, je te veux toi, juste t.t.toi, débite-il dans un seul souffle alors que l'élémentaire lui rend son étreinte.»
    Contre lui, Geb tremble. Il ne veut penser à rien d'autre que la chaleur si familière qui l'englobe tout entier. Vingt six ans. Vingt six foutues années qu'il aime cet homme à en crever.
    Soudainement, Arthur saisit son visage en coupe entre ses doigts. Leurs regards se croisent et s'emmêlent un instant. Geb pleure vraiment cette fois-ci. L'eau lui dégouline des cheveux, des yeux, de chaque pore de sa peau. Et il s'en fout. Il s'en fout car Arthur a ravi ses lèvres.
    C'est brusque, humide et maladroit, trop fort, presque violent. Mais c'est le meilleur baiser qu'il n'ait jamais eu.
    Il s'y plonge à corps perdu, leurs dents se cognent et la lèvre d'Arthur se fend. Leurs corps semblent soudés l'un à l'autre et même les gouttes d'eau ne passent plus entre eux.
    Geb perd son souffle et rompt le baiser. La pluie et les larmes dévorent son visage, maltraitent son oeil vide et son coeur bat la chamade. Arthur le regarde et son regard le transperce littéralement. Il veut rester avec lui.
    Vivre avec lui, mourir avec lui.
    Ils se dévisagent longtemps, envahit par un flot de souvenirs. C'est presque trop fort.
    « Reste vivre ici, s'il te plaît.»
    La main d'Arthur est chaude contre la sienne. Il tire doucement pour qu'il le suive.
    A l'intérieur, Nialé a renversé deux pots qui ont explosé en renversant leur contenu sur le sol de la cuisine. Artémis a fui les lieux, se réfugiant à l'étage.
    Geb le suit.
     
     
     
     
    Il reste.
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     Extrait 26 septembre 2015 - C'est Elle.

     
    Il y a quelque chose dans le regard bleu roi face à lui, et le Roi Blanc s'immobilise.
    L'instant flotte. Il a perdu son souffle.
    Par tous les dieux, c'est elle. Tout ce temps, tous ces millénaires passés à attendre un visage, un nom, une identité, à croire l'avoir perdu entre deux combats ... Tout ces siècles à écouter les prophéties, relire la légende du début à la fin, à la recherche de la moindre erreur. Toutes ces heures passées à douter, à remettre en cause sa décision de le laisser partir, de le laisser se défiler, abandonner ses peuples. Il le sentait. Il le savait. Ce n'était pas lui.
    Car tout ce temps, c'était Elle.
    Il en oublie même comment respirer. C'est Elle, et elle se tient devant lui. Jeune, magnifique, enfant du soleil, emplie de candeur et de noblesse, et pourtant déjà si puissante. Pourtant déjà si Reine.
    Et c'est Elle.
    Ce sera Elle.
    Il tombe à genoux, les yeux embrumés de larmes, le poing serré sur son cœur. D'un même mouvement, tout son peuple le suit. Ils l'ont senti, eux aussi. C'est Elle. C'est inscrit au plus profond de ses os, ça vibre à son contact, ça tremble, ça secoue. Ca lui donne envie de se battre, de reprendre le combat, de prendre sa vengeance. De se dresser comme un Maître sur l'immense échiquier, aux côtés des Rois de l'Ombre et des Reflets de Lune. A ses côtés, à elle, l'ultime souveraine.
    C'est elle.
    C'est elle.
    Son frère est perdu. Il ne l'a pas senti. Ce n'est pas dans son sang, pas dans ses veines aussi violemment que dans les siennes.
    L'histoire va s'écrire à nouveau.
    Il le sent.
    C'est elle, le Bleu, la flamme. La revanche, la justice, le nouveau monde.
    Car c'est elle, c'est elle, l'encre de cette nouvelle aube.
    C'est elle.
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    Extrait du 3 novembre 2015 - Vis.

     
    Ce sont des trous. Des putains de trous, partout.
     
    Dans ton cœur, dans ta vie, dans ton monde. C'est du gruyère depuis vingt-six années.
    Et puis y'a ce trou. Ce vide, ce vortex énorme dans ton âme, qui aspire tout. Tu as appris à vivre avec, comme t'as pu, pas parce que tu le voulais, ou que t'avais la force. Non, même pas.

    Parce que c'est un mot, trois lettres gravées au fer rouge sur ta peau.
    Son dernier cadeau. Son dernier vœu.

    T'oserais même pas t'y absoudre. Alors t'as tenté de construire quelque chose autour du trou.
    Bordel, t'as même tenté de mettre des trucs dedans. De remplacer. D'oublier. De chercher une forme à mettre dans le trou pour le combler. Mais le trou mange tout. Le trou a tout aspiré.
    Parce que peux pas, tu peux pas, tu peux pas. T'étais même pas censé être là, même pas censé respirer, même pas censé rester derrière. Et t'en crèves. T'en crèves parce que ça aurait dû être toi. Tu aurais dû voir, aurais dû savoir. T'étais censé être là.
    Et tu pourras pleurer, tu pourras crier. Tu pourras blâmer la guerre, son meurtrier, une ombre, des concepts flous, un quelconque Dieu qui n'a jamais été là. Tu pourras même blâmer la mort. Ça ne changera rien.
    Ce trou-là, il ne partira pas.
    Il ne partira jamais.

    Ça fait vingt-six ans tout pile ce soir-là.
    Tu comptes les années, les jours, les heures depuis.
    Parce que tu ne vis plus. T'es mort ce jour-là.
    En serrant sa main froide, t'es mort.
    En serrant la dague, t'es mort.
    Sur un dernier mot, t'es mort.
    Ce trou-là, au fond de ton cœur, c'est ta mort.
    Et il ne partira pas.

    Quand ce soir-là, neuf mille quatre cent quatre vingt six putain de jours plus tard, il te prend dans ses bras sans un mot alors que tu accueilles l'horreur comme tu peux, ton souffle se coupe. Il sait. Il sait parce qu'il était là. Il sait parce que ce putain de vortex, il l'a aussi. Il ne t'en veux pas, il ne t'en veux plus, vingt-six ans après, mais il est toujours là.
    Alors, tu l'acceptes. Tu l'acceptes parce que tu l'aimes.
    Et il ne remplace pas le trou, ne le comble pas, ne cherche même pas à te le faire oublier.

    Les années passent, encore. Le trou et toi cohabitez.
    Tu n'oublies pas, mais tu vis.
    Tu vis comme tu peux, maladroitement, et c'est chaotique, bancal, mais il est avec toi.
    Le jour où tu meurs véritablement est le jour où tu le perds. Lui aussi.

    Le 6 mars 2037.
    Le destin se fout de ta gueule.
    Tu le tiens dans tes bras lorsque la vie le quitte, tes lèvres sont sur les siennes, son âme dans la tienne, et tu le sens, tu le sens putain, qui quitte ton monde.
    Il y a des cris, autour de toi, la rage de la guerre qui revient. Des enjeux énormes, trois rois qui ont besoin de toi. Et ta Reine, cette Reine dont tu es si fier. Cette Reine dont tu as si peur. Le monde va basculer, elle va le retourner, le brûler pour mieux le reconstruire et tu le sais. Elle va vous perdre tous les deux.
    Mais pour toi, à cet instant, c'est fini.
    Y'a un deuxième trou.
     
     

    Vous avez plus jamais été complets. Ni toi, ni lui.
    Et il est temps pour vous d'honorer les mots qui vous ont poursuivis.
     
     
     

    La Mort vient, et tu l'embrasses.

    C'est Elle.

    « Vis »
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    Extrait 25 décembre 2015 - Couronnement


    C'était une guerre sans vainqueur mais aux mille vaincus. C'était plus qu'un combat, plus qu'une bataille. C'était leur revanche. Elle devait être tuée. Cette hydre aux mille visages, cette ombre rougeoyante, cette vipère. Son trône devait être détruit à tout jamais. Son Royaume devait être réduit en cendres pour avoir une chance de renaître.

    Le silence tomba dans la grande salle.

    Les trompettes sonnèrent. Des coups de canon, un à un, dans le corps de l'Hydre dépecée, vaincue sur les carreaux. Le glas de la victoire. Ils triomphaient, enfin. Les tambours les rejoignirent. Les flammes surgirent. Le feu monta, monta et monta encore, atteignit les cieux et redescendit en piqué frapper contre les dalles. Les guerriers tombèrent à genoux, un à un, leur feu serré dans la main.

    Le peuple ne voulait plus de chef de guerre. Plus de guerrier à leur tête, plus de sang, plus de vengeance et de haine. Le peuple voulait du feu, pas de la colère. Le peuple voulait un repère.
    Et depuis vingt ans, c'était lui, leur lumière. Lui, le traître, lui, celui qui voyait plus grand, qui voyait plus loin, lui qui rêvait en plein. C'était lui, leur souverain.

    Par tous les dieux qu'il était beau. Enroulé dans sa douleur, dans son deuil, l'immense cape noire au creux de ses mains. Qu'il était beau, le visage enfin libre, délivré de l'emprise terrible des mensonges et du secret. Qu'il était beau, enfin.

    « L'HYDRE EST MORTE ! S'écria-t-il. »

    Sa voix monta et la clameur du peuple suivit. Le feu surgit de ses doigts, attrapa la cape et la dévora. Les flammes rongèrent les derniers restes de l'Hydre, la consumèrent jusqu'au dernier fil. Il se redressa et dévisagea son peuple resté à genoux.

    « Peuple de nos terres, relevez-vous ! Ne laissez plus jamais vos semblables vous assujettir et vous dominer ! Ne les laissez plus jamais vous mentir et vous manipuler ! C'est vous, la force de notre nation, ce sont vos âmes, vos hommes, vos femmes et vos enfants, pas les armes et pas la poudre de nos canons ! Nous sommes corps, et nous nous tiendrons droit, nous tiendrons front ! »

    Ses deux épées tombèrent à terre. Le peuple se leva d'un même mouvement. La salle entière retint son souffle au milieu des ruines. Cet homme-là n'était plus que douleur et que foi.

    Les trompettes et les tambours cessèrent de concert. Le silence tomba. Et puis, doucement, dans les ténèbres de la grande salle, la première flamme s'alluma. Un guerrier, l'épaule encore en sang, brandit son feu au souverain. À l'autre bout de la salle, une vieille femme l'imita. Un à un, le peuple entier s'embrasa. Les petites flammes voguèrent les unes vers les autres, s'embrassèrent et se lièrent. La salle entière s'illumina.

    Et soudain, la plus belle flamme monta au cœur de la salle. Certains s'écartèrent pour laisser passer le nouveau venu. Le Fils Perdu s'avança au milieu de son peuple, traversa une foule de visages orangés, sa flamme fièrement brandie au dessus de sa tête. Il avait toujours été là et le serait toujours.

    Arrivé à la hauteur de l'homme, il s'arrêta, et souda ses yeux aux siens. La loyauté farouche qui lui répondit alluma un immense brasier dans son cœur. Oui, c'était pour cet homme. Pour cet homme qu'il donnerait sa vie, pour cet homme qu'il se battait depuis des années, pour cet homme qu'il aurait tout fait. Ils se sourirent. Ce fut un sourire de victoire, un sourire de joie, de soulagement et d'espoir. Ce fut le plus beau sourire qu'ils ne partagèrent jamais. Ce fut ce sourire qui convainquit le peuple. Ce fut leur amour qui fit renaître la Nation de ses cendres.

    Et ce jour-là, ce fut la voix du Fils Perdu qui résonna. Ce fut sa voix qui scella la fin du règne de l'Hydre, sa voix qui baptisa son Prince. Son ami, son amant, son confident. Plus qu'un chef de guerre, plus qu'un pion libéré. Plus qu'un rebelle au pouvoir. Plus qu'un simple Prince dévasté.


     
    « LONGUE VIE AU ROI ! »
    Son Roi.
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    Extrait 30 janvier 2015 - La fin est un concept stupide.


    Il y a un vieux carton, une vieille boite avec des lettres. Une écriture grossière et dévastée, des mots salvateurs étalés un peu partout sur le papier. Des lettres par-dessus la Sienne. Il se saisit fébrilement de l'une d'elles, et ses doigts tremblent un peu. Il n'a jamais été à l'aise avec les mots, et pourtant, là, il tient vingt-six ans de larmes noires sur du papier. Il reprend son souffle. Celle-ci date d'hier.
     
    « La fin est un concept stupide.
    Pourquoi devrait-il forcément y avoir une fin à tout ? Et si tout n'était que changement, que transformation, qu'évolution ? Et si c'étaient mes mots, simplement, qui creusaient ce trou dans mon cœur ? Leurs lettres, pas les miennes.
     
    Toi et moi séparés, ce n'est pas une fin. C'est un bout de moi, une partie de mon vortex. Lui et moi, ce n'est pas un début, ce n'est pas la fin de toi et moi, c'était déjà là, ça attendait juste de sortir, je crois.
    Toi, tu seras toujours là.
     
    Derrière les portes closes, dans mon reflet, dans le creux de mes paumes, au chaud sur ma poitrine. Pourquoi serais-tu condamné à disparaître, juste parce que tes pieds ne foulent plus le même sol que moi ? Mon amour pour toi est éternel. La mort ne pourra jamais m'enlever ça. Que tu sois dans mes bras ou dans les siens, mon cœur sera toujours un peu le tien. Alors non, il n'y aura pas de fin. Pas entre toi et moi, et pas même avec lui, ni avec le reste. Il n'y aura jamais de fin. Parce que l'amour, ça marque au fer rouge. Ca grave des mots dans le cœur et les os. L'amour, ça passe même la mort. Ca se transporte, ça se transforme et ça voyage d'un Monde à l'autre. Que ce soit mon amour pour toi ou mon amour pour lui. Pour ces amis, ces enfants, ces âmes au détour d'un couloir. Ces rois d'argent. Mon amour n'a jamais été restreint, exclusif, ou éphémère. Il n'y a jamais eu de barrière. La mort, la peur ou la guerre n'en sont pas non plus. La fin, c'est un concept stupide. Juste une convention de plus.
     
    Parce que je t'aime encore.
     
    Je t'aime encore, mais j'ai avancé. J'ai accepté de le laisser me sauver une fois de plus, de le laisser voir, de le laisser m'aimer. Tu t'en doutais déjà du temps où on partageait un monde.
    Alors aujourd'hui, je t'écris simplement pour te dire une fois de plus que je t'aime.
     
    Je t'aime. Et demain, je l'épouserai. »  
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    Extrait du 07 janvier 2016 - Sentiment boue
     
     
    Il y a des villes, des tas de villages qui défilent derrière la vitre de la voiture. La musique hurle dans ses oreilles. Ça le calme, un peu. Ça le fait flotter. Hors de la douleur, hors de l'horreur, hors de cette terreur pure. Lui qui se croyait si fort, lui qui se croyait puissant, lui qui se croyait innocent. Bien trop con, tiens.
    A un moment, les notes l'emportent, sa tête tape la vitre et le ronronnement du moteur le berce. 1, 2, 3. Quand il se réveillera, ce sera un rêve.
    Il ne dort pas vraiment. C'est tout frais, ça saigne encore, et le sommeil ne l'atteint plus. Il baigne dans une sorte d'inconscience douloureuse. Dans un plan de l'existence lointain, il y a la route qui défile, les lignes rapides des buildings. France ? Suisse ? La frontière ? Est-ce qu'il y a une frontière ? Ils pourraient très bien être à l'autre bout du monde à cet instant, il ne fait plus la différence.
    Il sombre encore.
    La lecture aléatoire lui jette dans les oreilles une voix féminine un peu trop forte, et il revient à lui. Il fait flou. Le monde est un pâté noir qui coule. Derrière la vitre, cette-fois, plus que de la forêt. Ses oreilles sont bouchées. Altitude ? Le monde ne ressemble plus à rien de ce qu'il a connu, et la voiture s'arrête. Il s'en fout. Son monde a cessé de tourner il y a huit jours. Il n'a plus rien, plus de famille, plus d'attache, plus qu'une carcasse de portable saturé de messages inquiets. Plus que son deuil à porter comme une croix.
    Les larmes reviennent. Merde.
    "Rassemble tes affaires, on abandonne la bagnole."
    Il soupire. Guerre ou pas, il n'a plus rien à perdre.
    Elle lui tend la main. Peut-être, au fond, qu'il pourra mourir en paix là-bas.
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    Extrait du 14 janvier 2017 - Dissonant

     
    « Comment supportes-tu ce monde ? demanda sa voix, brisée, du haut de l'escalier. »
    La question l'arrêta. Il se tourna vers elle, si bas, si loin, planté sur la dernière marche. Il leva les yeux vers les siens. A cet instant, il n'était plus rien, plus qu'un reliquat, un blessé, un abandonné, un perdant, un traître, rien de plus qu'un moins. Il trouva pourtant la force de se dresser une nouvelle fois face à elle. Ses mots hurlaient à l'aide. Ses mains s'ouvrirent à la Reine.
    « Avec toi. »
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    Extrait du 12 septembre 2018 - Je suis le Voyageur
     
    Je suis le Voyageur, dit-il à son sourire.
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    Extrait du 15 janvier 2019 - Le Voyageur

     
    « Raconte-moi, Voyageur. Laisse-moi les aimer avec toi. »

    L'homme sourit. Le vent balaie son visage, caresse ses lèvres.
    L'amour qui sillonne ses veines enfle à chaque instant.
    Il offre ses mots à l'océan.
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    Extrait 15 avril 2019 - Cathédrale
     

    Les gens étaient sortis. Rassemblés dans les rues, sur les balcons, les balustrades, perchés sur les rebords, les murets, les murs, le visage tourné vers les volutes de fumée noire. La nuit engloutit la ville et bientôt, il ne resta plus que les flammes pour grimper jusqu'aux étoiles. Il ne resta plus que les flammes, la fumée, les cendres et l'ossature rougeoyante de la cathédrale. 

    « Qu'elle brûle, murmura Naëlle aux cendres qui volaient jusqu'au peuple rassemblé sur la grande place. Je ne pleurerai pas des briques. »

    À ses côtés, son père retenait difficilement ses larmes. Lui, pleurait un symbole. Il pleurait ses souvenirs qui partaient en fumée sous le regard de la foule, l'image d'une culture et d'un patrimoine qu'il avait auparavant considérés comme siens. Il pleurait pour les vitraux qui explosaient, pour les statues que les langues rougeoyantes décapitaient, pour les gargouillent qui plongeaient dans le vide et se brisaient sur les pavés.

    « Le feu reprendra tout avant la fin de la nuit, annonça Kulilaahn en les rejoignant. »

    Le feu se reflétait dans les yeux du roi. L'Aléthéia brillait aux doigts de sa fille. Arthur baissa les yeux et tourna le dos aux flammes. Il abandonna Naëlle aux mots enflammés du Roi et rejoignit le peuple en contrebas. L'espace de quelques heures, il accepta de redevenir un des leurs, de se joindre à leur deuil, à leurs chants, de tourner son regard dans une seule direction et de contempler, impuissant, le feu dévorer les charpentes de la cathédrale.
     
    Lorsqu'Arthur la rejoignit, plus tard dans la nuit, des larmes avaient roulé sur les joues de sa fille. Il le lui fit remarquer et elle indiqua d'un mouvement de tête la silhouette d'un homme, courbaturée sous un pont, une bouteille d'alcool à la main, qui fixait lui aussi le brasier. La foule lui tournait le dos.

    « C'est pour cette humanité-là que je pleure, papa, expliqua-t-elle. Il n'a rien, tout le monde l'ignore, et il pleure quand même des pierres qui l'ont rejeté. »

    Cette nuit-là, Arthur sentit poindre dans son cœur un gouffre qu'il ne put jamais combler.
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    Extrait -  22/09/19

     
    Hanté par trois lettres.
    Hanté par un mot.
    Il ne pourra pas s'en remettre.
     
    Trois lettres.
    Un mot.
    Les jumeaux. Sa lettre.  
     
    L'homophone privé de ses possibles.
    Réduit à l'un.
    L'indiscutable, l'ininterprétable, le catégorique.
     
    L'ordre.
    Le mot qui lui donna un maître.
    Le mot qui se voulait baume et se fit traître.
     
    Hanté par le mot.
    Hanté par trois lettres.
    Hanté par l'idée de devenir ce qu'il ne peut pas être.
     
    Hanté par la mort, la vie, et l'entre deux.
    Hanté, toujours, par ses yeux.
    Sa chaleur, sa voix, l'odeur de ses cheveux.
     
    Ce n'est pas un adieu.
    Ce n'est pas un adieu, répète-t-il dans le noir.
    Dans le silence. La nuit, l'aube, le soir.
     
    Une fois, puis deux, puis trois.
    Face au miroir, les yeux fermés.
    Trois lettres.
     
    Ce n'est pas un adieu.
    Ce n'est pas pour les dieux.
    Pas pour lui ni pour eux.
     
    Pas un adieu.
    Ni un au-revoir.
    Autre chose.
     
    Trois lettres ?
    Autre chose.
    Un mot ?
     
    Autre chose.
    Pas un adieu.
    Un mot.
     
    Autre chose.
    Pas un dieu.
    Un mot.
     
    Trois lettres.
    Un mot.
    Trois lettres.
     
    Trois mètres.
    Un lot.
    Un mot.  

    Pas un adieu.
    Ni même un au-revoir.
    Autre chose.
     
    Hanté par trois lettres.
    Hanté par un mot.
    Hanté par son être.
     
    Un adieu, un au-revoir, un départ.
    Et autre chose.
    De l'espoir.
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    Extrait du 7 mars 2020 - Adelphes


    Parle-moi des origines.
    Parle-moi de toi et moi, de l'avant.
     
    Parle-moi du monde dans les anciens temps, tel qu'il était autrefois, lorsque régnaient feu, roche, eau et vent. Raconte-moi le Big-Bang, l'explosion, la dissémination, tout. Les premiers balbutiements du vivant, ses premiers tremblements. Son premier souffle, sa première nage, son premier pas sur la terre chaude. Parle-moi de sa première chute, de son premier amendement. Parle-moi des titans, des monstres, des géants.
     
    Qu'importe si c'est faux. Qu'importe si c'est vain. Invente-moi tout, puisque l'on ne sait rien.
     
    Parle-moi des éléments. De la première glaise devenue âme. De ce premier amas d'argile dressé face au monde sur deux jambes chancelantes. Fragile, vulnérable, illimité. Parle-moi de Pygmalion, de ses ciseaux et de l'ivoire. Mais parle-moi surtout de Galatée. De sa vie une fois sortie des bras de la pierre, de son souffle, de ses idées. Dis-moi les premiers mots qu'elle a prononcés.
     
    A-t-elle dit on ? A-t-elle dit nous ?
     
    Parle-moi des dieux, aussi. N'en oublie aucun. Ils sont tous importants. Ils sont tous à quelqu'un.
     
    Parle-moi de toi et moi.
     
    Toi, moi, la ville une après-midi de mai.
     
    Le vent souffle fort. Dans la rue, une dame au loin tient son chapeau d'une main, accélère le pas, peste à voix basse et se réfugie dans la bouche de métro. Son châle bat l'air derrière elle, tente de rejoindre le ciel. Elle le rattrape d'un mouvement de poignet et le serre contre sa gorge. On la perd de vue dans la gueule béante de la station. À sa suite, deux autres silhouettes disparaissent, emportant avec elles les dernières bribes d'une conversation sur un devoir de philo à rendre demain, en plus sur Descartes, non mais quelle idée, tu penses bien. Je souris. Je pense à Gassendi. À la substance des choses, à celle du stylo sur une copie, à la gravure des lettres sur le papier. Je pense aux origines, aux millénaires derrière nous, aux siècles qui nous séparent les uns des autres, à toutes ces traces qui ne se sont jamais vraiment effacées. Je pense à la pierre. Je pense à Galatée.
     
    Nous franchissons l'arrêt de métro, esquivons la vague de régurgitations de la rame de dix-sept heures. Le slalom est devenu un art. Une valse familière pour se dépêtrer de la masse, la suivre sans se laisser entraîner trop loin, au risque de se retrouver à l'autre bout du quartier. Nous rions. Resserrons les foulards et les papiers dans nos mains. Tu tiens un livre. Moi, un prospectus. On me l'a donné quelques rues plus loin, je ne l'ai pas lâché depuis. Peut-être l'oublierais-je sur un banc ou dans mon sac. Qu'importe. Il n'est pas vraiment important. Ses mots ne sont pas vraiment des mots. Ce sont des coquilles, des miroirs, de la fumée. Il n'y a rien, dedans. Pas de cœur, pas de sang.
     
    Auster décoiffe tout. Les journaux battent des ailes, évadés de leurs agrafes. Même les nuages ont fui, repoussés par son souffle chaud. Il fait doux. Il fait beau. Le cycliste qui nous dépasse tangue sur la houle de ses pédales. La marée de travailleurs exténués s'empresse de s'entasser dans un tramway déjà bondé. Nous, à pieds, on traverse le carrefour. Nous, à contre-courant, on se laisse porter par le vent.
     
    Le parc n'est qu'à quelques mètres. Mais en ville, dix pas en paraissent souvent cent. On sait qu'il nous faudra probablement dix minutes pour nous libérer de la foule et passer les grilles, droit vers la verdure. Qu'importe. On prend le temps de se laisser retarder.
     
    Tu n'as pas levé les yeux de ton bouquin. J'ignore comment tu te débrouilles pour slalomer tête baissée. Mais, comme toujours, l'encre surpasse la ville, surpasse les gens. Tu vois les pieds, les chevilles, les mains. Jamais les visages. Pourtant, tu parviens à valser entre les bottes, les escarpins, les baskets et les sandales avec une aisance extraordinaire. Parfois, je me dis que tu dois avoir une sorte de sixième sens. J'ignore comment vous vous débrouillez, toi et ton corps, toi et les livres. C'est un vous auquel je ne peux pas toucher. Un nous étranger.
     
    Moi, j'ai la tête en l'air. Un peu trop, sûrement. Je bouscule des épaules, rentre dans des sacs, des poussettes. Je n'y peux rien. Mon menton a toujours eu besoin de monter vers le ciel. Mes yeux cherchent les nuages, le soleil. Alors je bute dans les gens, dans les choses, je m'excuse, je souris et la danse reprend. Les collisions sont pour moi ce que le slalom est pour toi. Inévitables. Inépuisables. Identitaires.
    Parfois, je pense à toi et moi comme à deux états distincts d'une même matière. Toi solide, moi éther. Deux transformations d'un même métal brûlant, liquide, fumant. Deux chemins d'une même route. Avant, aux origines, quand tu trimballais ta sacoche à l'école, que notre première préoccupation était de récolter le plus de billes possible à la récré, je nous pensais si semblables. Je ne te savais pas si terre et je ne me pensais pas si air. Aujourd'hui, des années plus tard, je vois nos différences. Je sens ton besoin d'ancrage aussi fortement que mes rêves d'envol. Je sens l'eau, aussi, dans ton cœur comme dans le mien, le feu dans nos mots et dans nos voix. Je chéris les éléments qui nous séparent autant que ceux qui nous unissent.
     
    Enfin, nous atteignons le parc, franchissons les grilles. Le soleil frappe sur les sentiers. Sa chaleur tournoie avec le vent, frôle nos chevilles, nos épaules. Il y a un couple sous notre arbre habituel, alors nous avançons, plus loin. Nous nous arrêtons vers le lac, là où les canards affamés nous rejoindront bientôt. Pour le moment, l'eau est calme. Pas une barque. Pas un cygne. Rien. Tout est en suspension. Tout attend. Seuls les rayons d'or de la lumière ont droit au mouvement. Nous nous asseyons dans l'herbe, face à l'étang. Tu déploies sur tes genoux la bibliothèque portative que tu appelles sac à dos. Moi, je distribue mes doigts dans les brins d'herbe. Le temps s'arrête. Le monde se clôt. On se fige. Nous respirons.
     
    Quelle différence fais-tu entre nous et on ? Eux et vous ? Comment assaisonnes-tu les pronoms ? Quelle partie de moi vois-tu en nous ? Que penses-tu de toi lorsque tu es avec moi ? Qui sommes-nous ? Qui est-on ?
     
    J'aime te poser ce genre de questions. J'aime te voir froncer les sourcils, corner la page où tu te trouves, réfléchir quelques instants avant de rassembler tes mots pour tenter de me répondre. Cela ne sera jamais suffisant pour combler le vide du monde, ce manque d'être qui nous consume, mais on aime essayer. Sauter par-dessus les trous. Prendre les mots à leur propre jeu et les forcer à se transformer. De terre à air, d'air à feu, de feu à eau, d'eau à terre. J'aime t'entendre me renvoyer d'autres questions, interroger le monde, la langue, les gens. Nous, au milieu, avec nos paroles percées et nos grandes voiles de questions à agiter dans le vent.
     
    « Je dirais que nous, c'est une addition. On, une fusion. »
     
    Tu souris. J'ai réussi à te faire lever les yeux sur le lac quelques minutes. L'espace d'une phrase, nos éléments sont joints. Tes mots ont quitté les pages, vogué de toi à moi, de moi à l'eau. J'aime ces moments. J'aime quand nos différences entrent en collision. Quand elles se précipitent l'une vers l'autre, se regardent, se saluent, entament leur propre discussion. Je te souris en réponse. Tu retournes dans ton bouquin, mais je sais que ton esprit est resté avec moi, dans l'herbe. Un jour, tu l'écriras. Ce jour-là, je te lirai, puis je regarderai le ciel. J'irai butter dans les gens avec tes écrits au bout des doigts. Je ferais advenir tes mots de mes bras. J'irai danser et j'obligerai le monde à t'écouter.
     
    Parfois, je lui en veux de nous oublier. Toi, moi, l'amitié. Je lui en veux d'oublier de nous célébrer.
     
    Laisse quelque temps tes nostalgiques, tes soupirants atrabilaires, tes prétendus extracteurs de quintessence. Pose-les dans l'herbe, ouvre-les sans les lire. Parle-les. Parle-moi. Parle-moi des adelphes qui les ont fait écrire. Si tu me parles de Montaigne, parle-moi de La Boétie. Ne fais pas que me citer les mots que l'on a trop répétés, raconte-moi leurs origines. Parle-moi du Parlement de Bordeaux. Parle-moi du nous de Montaigne et du on de La Boétie. Si tu me racontes l'histoire de Juliette et Roméo, n'oublie pas Mercutio. Si tu me parles de Roland, parle-moi d'Olivier. Chante-moi le Sage aux côtés du Preux. Cite-moi Sand en même temps que Flaubert, Piaf avec Cocteau. Retrouve ceux que l'on a effacés, retrace le lien oublié. Si tu me parles de Merlin, pour une fois, ne me parle pas d'Arthur. Parle-moi d'Uther. Parle-moi des origines.
     
    Qu'importe si c'est faux. Qu'importe si c'est vain. Conte-moi tout, puisque l'on ne sait rien.
     
    Parle-moi de ces amitiés qui ont fait tanguer le monde. Parle-moi de celles qui ont forgé nos destins. Je n'ai rien contre les histoires d'amour. J'aime aimer, entendre aimer, lire aimer, voir aimer. Mais je voudrais que tu me racontes des histoires d'amitié. Des histoires comme la nôtre, des histoires qui commencent dans une cour de récré, qui durent, évoluent, surmontent tout, apprennent des trous et parviennent à les enjamber. Parle-moi de ceux qui, comme nous, se sont protégés. Ceux qui se sont acceptés dans toutes leurs incertitudes, avec toutes les crevasses, toutes les bosses, toutes les cicatrices, toutes les plaies. Parle-moi de ceux qui se sont tendu la main, ceux qui devaient se déchirer et ont choisi de s'allier. Parle-moi de ceux qui se sont accompagnés des dizaines d'années avant d'être séparés. Parle-moi des orages, du tonnerre, des vibrations jusque dans la mer, des coups de foudre spirituels.
     
    Raconte-moi des histoires d'amitié. Parle-moi de l'alchimie fraternelle, de la fusion des métaux.
     
    Tu es mon principe élémentaire. Tu n'es pas mon sang, mais tu es ma famille. Mon adelphe. Toi et moi, certes, mais nés des entrailles d'une même terre. Partageant le même air. Toi et moi, air et terre, feu comme eau, savant mélange des deux.
     
    Avant, aux origines, on pensait que l'on pouvait transmuter des métaux en or. Trouver le moyen d'atteindre l'immortalité.
     
    Les alchimistes n'avaient pas tort. Il y a un moyen de transformer le plomb en or. Il y a un principe de l'élixir de jouvence et une trace de ses précipités qui demeure, profondément ancrée, partout cachée, partout dévoilée. Il y existe une métamorphose essentielle, plus fondamentale encore que celles d'Ovide. Ou postérieure, peut-être.
     
    Il y a un après Galatée. Il y a une transmutation originelle, parvenue jusqu'à la ville, jusqu'à nos métros bondés, déchirée, en suspension.
     
    Nous.
    On.
     
    C'est nous, les alchimistes des temps modernes. Toi et moi, toi et tes bouquins, moi et mon menton trop haut. Nous qui rêvons le monde à grands coups de mots. Nous qui réécrivons la langue, nous qui devenons. L'alchimie, c'est l'art de la meilleure version de toi et moi. La transmutation du plomb en on. La naissance d'un après l'origine.
     
    L'alchimie, c'est toi et moi.
    L'alchimiste, c'est nous.
     
    Qu'importe si c'est faux. Qu'importe si c'est vain. Raconte-moi tout, puisque l'on ne sait rien.
     
    Parle-moi d'alchimie. Raconte-moi les ruines, les plaies, les ratés, les regrets. Tous les essais. Laisse-moi tes mots et je te laisserai mes mains. Deviens. Devenons. N'oublie rien. Raconte-moi l'histoire des adelphes. De celle de deux âmes, à tout juste vingt ans, qui se perdent dans les cyprès, s'allongent dans l'herbe et rêvent d'une nouvelle forme de paix.
     
    Parle-moi des origines.
    Mais, surtout, parle-moi de l'après.
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    Voyez plutôt ce que je suis capable de vous pondre en écrivant MC :


     
    « Tu sais ce qu'il te dit, mon vocubalaire ? »
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    « Black se tourna vers Mynocia, le regard perdu.
    - On s'entrapine ! Cria-t-elle du bout du couloir. »
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    « Combustor demeura silencieux, étendu sur son flan. » 
    ~> Whoops.

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    « Elle retint un sourire devant la proximité évidente des deux gommes.»
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    Oublier un groupe nominal, ça peut être gênant :

    « Black frissonna en pénétrant dans la voyante. »
     
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    « Elle frissonna autour de son avant-bas »
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    « Oh non non non non non non, paniqua-t-il en jetant derrière son épaule tout le contenu de son sexe, fouillant à l'intérieur de manière quasiment hystérique. »
    (Je précise que c'est l'œuvre de mon correcteur orthographique et que à l'origine, c'était SAC)


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    « Tom le regarda sauter joyeusement une souche d'arbre. »
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    « Je n'ai aucun intérêt à vous empoissonner ! protesta le souverain.»
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    « Peut être aurait-il dû oser demander une nonne à Jhi-Laim. »
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  • PROJET SPECIAL
    CHAPITRE 30

     

     
    Je t'emmènerai
    En duo avec Déna

     
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          PAROLES :

    Le son des canons au loin résonne comme une prière
    L'armée rouge, leurs soldats de feu, la puissance meurtrière
    N'atteindront plus jamais la muraille de nos vallées
    Ils reviendront embraser nos guerriers
    Mais alors, nous serons prêts.

    Par delà les rivières de feu et d'argent
    Au-delà des terres sacrées foulées par le vent
    Là où les étoiles chantent l'espoir et le courage
    Où toutes nos peurs ne seraient que des mirages
          Je t'emmènerai.

    Le Grand Roi a chuté du trône d'acier
    La terreur, le sang, enfin cesseront d'exister.
    La lumière bleutée brille au bout du chemin
    La paix scintille à présent au creux de nos mains.

    Par delà les rivières de feu et d'argent
    Au-delà des terres sacrées foulées par le vent
    Là où les étoiles chantent l'espoir et le courage
    Où toutes nos peurs ne seraient que des mirages
           Je t'emmènerai.
     
    Le vent nous portera au-delà des terres dévastées
    Nous vaincrons la douleur et rapprendrons à aimer
    Il sera notre force, nos ailes, notre armée
    Et s'il échoue, je t'apprendrai moi-même à voler.

    Par delà les rivières de feu et d'argent
    Au-delà des terres sacrées foulées par le vent
    Là où les étoiles chantent l'espoir et le courage
    Où toutes nos peurs ne seraient que des mirages
           Je t'emmènerai.

    Je t'emmènerai aux frontières du réel
    Là où tous nos rêves sont éternels
    Les astres dansent sous nos yeux
    Et bercent à jamais l'adieu des cieux.

    Par delà les rivières de feu et d'argent
    Au-delà des terres sacrées foulées par le vent
    Là où les étoiles chantent l'espoir et le courage
    Où toutes nos peurs ne seraient que des mirages

    Je t'emmènerai.
     
     
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    VOS AVIS ?

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  • Jingle Bells

    Là par contre, c'est juste du gros n'importe quoi.

     

     

     


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    Il neigera encore

    Bonus réalisé pour noël 2015. Ne s'inscrit pas dans la chronologie et existe simplement pour lui-même.

    Il neigera encore

     

    Il neigera encore

    Il neigera encore

    Il neigera encore

    Il neigera encore

    Il neigera encore

    Il neigera encore

     

     

     


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